15 avril 2017

De l'importance de s'aimer



"Tu t'aimes un peu trop non ? T'es pas un peu narcissique?" Bah non. On enseigne aux petites filles de ne pas se fier aux premiers tourments que notre société leur inflige. Pourtant à un certain stade qui se situe plus ou moins au début de l'adolescence on leur placarde des images, photos, et autres illusions qu'elles se mettent vraiment à croire.

Ne pas s'aimer fait des dégâts. Des ados en pleurs qui porteront ces casseroles toutes leurs vies, des adultes qui suivent à la lettre le dernier régime miracle à l'approche du mois de juin et des humains qui n'oseront jamais dépasser le cadre de leurs limites et autres zones de confort jusqu'aux fameux regrets.

On peut me considérer comme superficielle. J'attache de l'importance à l'image que je renvoie et depuis toujours je n'ai jamais été en accord avec cette dernière. On peut faire semblant c'est vrai, mais je sais pertinemment que ne veux pas mener ce genre de combat toute ma vie. Je m'imagine souvent au bord de l'eau, sur une plage ou tout simplement l'été : le vent léger qui froisse délicatement ma robe, le soleil qui rougit sur ma peau et une sensation de bien être total, de liberté. Et ensuite je réalise que ça ne m'est jamais arrivé. J'ai de la chance pourtant, je suis déjà à la plage ou à la mer durant l'été. Je n'ai porté que très rarement des robes. Encore moins des maillots de bain. Et pourquoi ?

Je ne me suis jamais sentie à l'aise avec mon enveloppe corporelle. Ça s'est même empiré en vieillissant. J'ai porté mon premier short en jean à la fin de mes 14 ans parce que je complexais trop avant. Je peux compter sur les doigts d'une main le nombre de fois où j'ai osé le maillot de bain, en cinq ans d'été dans le sud. L'été dernier a été le plus dévastateur, je n'en ai porté qu'une seule fois et je suis vite rentrée m'enfermer par la suite remplie de honte. Quand je repense à cette vision, dans cette robe d'été, je me rend compte que c'est une Aurélie mince, utopie de moi même, que je visualise. La minceur qui garantit succès, réussite et assurance à la personne qui la possède.

J'ai également réalisé que mes choix étaient totalement orientés par ce manque d'estime. En fait, il régente ma vie. Je ne m'autorise rien. Je redoute plus que quiconque les essayages lors d'une session shopping et les restaus entre amis. J'ai passé deux hivers dans des fringues bien trop larges pour moi. Je ne porte plus de robes, encore moins de jupes (la dernière tentative remonte à août dernier). C'est un engrenage qui te capture et dans lequel tu deviens prisonnier. "Mais Aurélie arrête de te plaindre c'est pas compliqué de se maquiller un peu et de choisir des vêtements à sa taille!" C'est vrai, c'est à la portée de tout le monde quand on y réfléchis. Alors pourquoi je n'y arrives pas ? J'ai beau chercher, je n'ai aucune réponse. C'est au dessus de mes forces, de mes compétences, de mon bon sens. Et je répétais à qui voulais bien l'entendre que je le ferais quand j'aurais maigri. C'est actuellement devenu une source d'angoisse, à la moindre sortie je baisse la tête et j'avance sans aucun regard, aucun sourire.

Mais est ce que je vais me négliger toute ma vie ? Ai-je envie de me détester pour le restant de mes jours ? Ne suis-je pas fatiguée ? Pourquoi ne pas transformer haine et dégoût en amour et plaisir ? Plus je vieillit et plus j'ai peur que ma vie soit médiocre, qu'elle ne soit seulement que le survol de ce que j'aurais voulu qu'elle soit réellement. Depuis, j'ai compris. Vous avez le droit d'avoir le nez un peu bancal, quelques vergetures, de la cellulite incrustée, des boutons parfois récalcitrants et peut-être des rondeurs. Et ce n'est pas grave. J'ai le droit de m'aimer. 


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