26 avril 2017

Le diktat vicieux des étiquettes


Les étiquettes. Celles collées à notre image, derrière nos jeans ou sur nos boites de conserve. Elles sont partout, elles nous informent et nous conditionnent : nous sommes devenu les esclaves de nos propres inventions.

Je suis devenue dépendante de ces trois formes d'étiquettes. Si une affichait un "S" j'avais ce sentiment victorieux de me sentir mince le temps d'une petite lettre. Si elle indiquait "sucre" dans mes courgettes, je reposais la boîte sans un regard sur l'étagère en me répétant que ça m'étais complètement interdit. Et si par malheur je les mangeais alors je culpabilisais aussi tôt d'avoir ingurgité du sucre ajouté. Ces deux étiquettes combinées donnaient inévitablement le mélange si banal d'une fille normale et complexée.

Comment quelques tailles de vêtements, dites "standard", peuvent-elles englober la totalité des corps féminins, présumés uniques ? Actuellement j'oscille entre trois d'entre elles. Et mon humeur dépend entièrement de celle qui va réussir à contenir mon corps. Les phases de la boulimie m'obligent à avoir deux dressings particuliers : un pour les phases orthorexiques (où je maigri) et un autre pour les phases hyperphagiques (où je grossi).

Les boutiques sont devenues un calvaire : mon visage se fermait complètement, et je me retrouvais là entourée de gens qui fourmillent dans une joyeuse danse entre portants, cintres, miroirs et cabines. Les larmes montaient indépendamment de ma volonté, et une phrase tournait en boucle comme si c'était ma chanson préférée : "Je pourrais tout porter quand je serais mince". Je sortais dépitée du magasin avec un amour propre proche de -20 et et une journée déglinguée. Je me souviens très clairement de la dernière fois que j'ai ressenti ça, c'était fin février. J'avais rendez vous avec ma maman à Châtelet pour une sortie ciné. Je lui avais dit que j'avais besoin d'un bas de maillot de bain pour nos vacances cet été alors on est allée chez New Look. Je me suis dirigée vers les portants, j'ai pris ce que je voulais et je me suis retournée pour passer en caisse. Avant d'arriver dans la file, le temps s'est arrêté dans ma tête. Mon regard a croisé dans le miroir celui d'une fille que je ne reconnaissais plus. Jean mom, baskets et encore un sweat trop large, pas de maquillage et une queue de cheval. Où étais-je passée ? Qu'avais je fais d'Aurélie ? J'ai paniqué, je me suis dit que je ne méritais pas d'être là et je suis sortie très très vite sans rien acheter.

J'essaye maintenant de faire abstraction des tailles, car si mon corps peut rentrer dans un short taille S aussi bien que dans un jean taille L c'est bien parce que c'est le même, il ne change pas entre deux boutiques. Pour autant, j'ai encore du mal à décrocher des étiquettes nutritionnelles. J'ai tellement tout vérifié, j'ai même testé les applications compteurs de calories pendant un temps. Je voulais tout mettre en oeuvre pour que "ça marche". Et durant plus d'un an j'ai regardé tous les jours même sur des boites de conserve, le nombre des calories, le taux de masse grasse, celui du sucre, celui des glucides... Je calculais tout et pourtant je n'ai pas perdu 10 kilos.

Mais ai-je nécessairement besoin de perdre des kilos ? Ces dernières étiquettes, celles qu'on collent sans connaitre, sont surement les plus dévastatrices et à l'origine des troubles alimentaires. De mes plus lointains souvenirs, je me souviens avoir été une petite fille pas mince, pas grosse encore moins obèse, simplement dans la norme. Pas très jolie mais "pas horrible non plus". Au collège, j'avais ma bande et secrètement je rêvais d'être comme elles : fine, belle et sûre de moi. Ça m'a toujours beaucoup importé de savoir comment les gens qui évoluaient autour de moi me trouvais quitte à me reprocher d'être superficielle. Jamais d'insultes, quelques sous-entendus qui ont suffit à me faire culpabiliser d'être seulement dans la norme.

En revanche, je suis certaine que pour tous les autres qui ont été plus gros que moi à l'école, ou très minces malgré eux et ceux victimes de harcèlement l'impact a été bien plus rude. Même si la société nous colle automatiquement une étiquette sur le front à la naissance de part les origines, la classe sociale ou le climat familial, celles qui font parfois le plus mal sont celles qui nous tombent dessus sans prévenir. Comme celle que ma gynéco m'a collée l'année dernière en me disant très calmement que j'étais en surpoids, que j'étais trop grosse pour mon IMC alors que je tentais si furieusement de maigrir. Je ne veux plus être victime de ces étiquettes, je veux être patronne des miennes.
1 commentaire on "Le diktat vicieux des étiquettes "
  1. Ce que tu dis fait tellement écho à ce qui m'arrive encore de ressentir par moment, notamment de me dire que si j'étais plus mince je pourrais m'acheter n'importe quel vêtement et qu'il m'irait bien. Il faut se répéter avec force et conviction que l'on a le droit de porter ce que l'on veut, ce qui nous plait et que s'habiller joliment n'est pas uniquement réservé aux personnes qui font un certain poids.J'ai réglé le problème un peu différemment, décrétant que les conditions de production de 90% des vêtements était ignobles en termes de droit du travail et d'exploitation d'individus de pays dits du "en voie de développement" je me suis dit que je ne voulais plus participer à cette société capitaliste d'ultra-consumérisme de crotte et du coup je n'entre plus dans les magasins de fringues : problem solved. Courage, je sais qu'avec la boulimie ce qui marche le plus pour moi c'est de me détendre, d'arrêter d'essayer de contrôler, d'accepter mon corps, ma faim, mes crises, de ne plus me mettre d'interdits ou de tabous alimentaires. Ne laisse pas les gens te dénigrer mais ne te laisse pas non plus te faire du mal à toi-même.

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